Alors que la crise en cours va pénaliser le rendement des contrats, découvrez comment revenir sur les marchés boursiers, sans trop sacrifier à la sécurité.
La crise sanitaire a triplement frappé les épargnants soucieux de préserver leur niveau de vie à la retraite. En signant tout d’abord le report, sinon l’abandon définitif de la réforme visant à créer un système universel de retraite à points, alors même que les régimes obligatoires maintenus devraient, faute de recettes suffisantes, voir leurs déficits se creuser. Pour ne rien arranger, elle a laminé le placement préféré des Français pour préparer leurs vieux jours, l’assurance-vie, qu’ils orientaient, en février dernier, à hauteur de 45% de leurs versements vers des unités de compte, ces fonds sans garantie dont la valeur s’est effondrée. « Dès la fin 2019, nous avions pourtant mis en garde contre les politiques commerciales des compagnies, poussant les épargnants à quitter le fonds en euros sécurisé », déplore Guillaume Prache, le président de la Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants pour la retraite (Faider). Enfin, le besoin de liquidités suscité par le confinement a déjà entraîné, rien qu’au mois de mai, une décollecte de 2,2 milliards d’euros sur ce support très liquide. Un chiffre qui s’explique autant par la hausse des retraits, que par la baisse des cotisations. Il faut dire que l’assurance vie est massivement détenue par les commerçants et artisans, particulièrement pénalisés par l’arrêt de l’activité. Et que le confinement a rendu les versements beaucoup plus compliqués à réaliser pour les épargnants n’utilisant pas Internet.
Dans un contexte aussi morose, faut-il pour autant baisser les bras, et geler vos contrats? Non, car, comme vous le découvrirez ici, vous pourrez tout d’abord mettre à profit certaines dispositions pour récupérer votre argent, y compris sur les enveloppes Madelin, d’ordinaire bloquées jusqu’à la retraite. Et comme le fonds en euros ne risque pas de sitôt de rapporter davantage, il vous faudra aussi diversifier la mise. Soit en retournant sur les marchés financiers, à l’aide des options antikrach développées par certains contrats. Soit en ouvrant un des nouveaux plans d’épargne retraite individuels (Perin), aux avantages fiscaux pour l’heure préservés.
A faire à court terme : vérifiez dans quelles conditions récupérer le capital
Avec l’assurance vie, on le sait, l’épargne est disponible à tout moment. Les demandes de rachat sont ainsi exécutées en quelques jours sur les contrats gérés par Internet, en une à deux semaines pour les autres. Très pratique, donc, pour combler des trous de trésorerie en cas de difficultés financières. Il en va autrement des produits dédiés à la retraite, comme le plan d’épargne retraite populaire (Perp) et le nouveau Perin : sur ces produits, l’argent est, sauf coup dur (décès, invalidité, surendettement, etc.), bloqué jusqu’à la fin de la vie active. Les travailleurs indépendants, auxquels sont réservés les contrats Madelin, vont, eux, être mieux traités : fin avril, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a en effet annoncé qu’une mesure de déblocage anticipé devrait être adoptée, dans le cadre du plan de relance. Finalement, c’est dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, le 3ème cette année, qu’une telle mesure doit être adoptée, avec un plafond de retrait de 8000 euros sur les Madelin de Perin. L’Association nationale des conseillers financiers (Anacofi) préconisait que jusqu’à 12.000 euros de capital puissent être retirés sans impôts de chaque contrat, sous réserve qu’ils soient issus du fonds en euros. Soit un peu moins de la moitié de l’en-cours moyen constaté, de 27.000 euros. Il aurait ainsi été possible de récupérer l’argent et, pour la part qui n’aurait pas été dépensée, de le placer, avec avantage fiscal à la clé, sur un Perin. De quoi économiser les 5% de frais généralement facturés pour tout transfert à partir d’un Madelin ouvert il y a moins de dix ans. L’amendement adopté à l’Assemblée nationale lors de l’examen du PLFR 3 va moins loin que cette demande, avec un plafond de déblocage défiscalisé de 2.000 euros. Par ailleurs, pour qu’une telle opération soit gagnante, il aurait toutefois fallu que ces retraits « coronavirus » soient exonérés des 10,1% de prélèvements sociaux, prévus dans les autres cas de déblocage anticipé. Cela ne sera pas le cas.
De leur côté, les salariés ayant bénéficié d’un contrat de retraite supplémentaire chez un précédent employeur (support souvent appelé « article 83 ») pourront profiter de la période pour en demander le transfert vers un Perp. Libre à eux ensuite de solliciter un second transfert, de Perp à Perin : cela leur permettra, à l’échéance, de sortir totalement en capital, alors que les articles 83 n’autorisent qu’une liquidation en rente. Comme le signale le courtier en ligne Mes-placements.fr, le premier transfert, possible jusqu’à fin septembre 2020, devra de préférence être demandé avant l’été, car il peut nécessiter plusieurs mois de délai.
Dernière opportunité de récupérer sa mise, juridique celle-ci, et conseillée aux détenteurs d’assurances vie fortement investies en unités de compte : l’exercice de leur droit de rétractation, possible dans les trente jours suivant la souscription du contrat. Donc déjà top tard, en principe, pour les épargnants ayant signé jusqu’en février dernier, et qui se seraient fait piéger par le krach boursier. « Mais ce délai ne commence à courir qu’à compter de la mise à disposition, avec le contrat, des informations obligatoires, dont le modèle de lettre de renonciation et ses modalités », rappelle l’avocat spécialisé Laurent Denis. Même si les assureurs font désormais rarement une telle bévue, cela ne coûte rien de vérifier si le dossier reçu était complet. En cas d’oubli, sachez aussi qu’il vous faudra probablement aller en justice. « Et les juges cherchent désormais à vérifier si l’assuré agit de bonne foi », prévient Laurent Denis. Si bien que vos chances seront minces si vous exercez une profession dans le secteur de la finance, ou que vous disposez d’une bonne connaissance des marchés boursiers. Si vous obtenez gain de cause, l’assureur devra vous rembourser intégralement la mise, y compris les pertes boursières, ainsi que les frais prélevés.
A moyen terme : diversifiez, en adoptant des sécurités
Alors que le rendement 2019 du fonds en euros a péniblement atteint 1,4% en moyenne, celui de 2020 ne s’annonce guère plus brillant, par la faute de la crise sanitaire. La rentabilité pourrait ainsi à nouveau reculer, à 1,2% environ. Les investissements en actions représentaient en effet près de 8% du portefeuille de tels fonds à fin 2018, une part qui n’a que marginalement évolué depuis. « La chute des marchés financiers va réduire la possibilité de concrétiser des plus-values, qui servent à soutenir le rendement », résume Olivier Sentis, le directeur général de la MIF (Mutuelle d’Ivry-La Fraternelle). Un effet qui pourrait toutefois être amoindri par les protections à la baisse, que souscrivent certaines compagnies. « Les assureurs n’ont pas acheté au plus haut », signale par ailleurs Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du site Goodvalueformoney. Du côté de la poche investie en obligations (80% en moyenne du portefeuille), ce n’est guère mieux, puisqu’avec la crise, les taux d’intérêt devraient rester au plancher. L’emprunt d’Etat français à dix ans (OAT) s’affichait en territoire négatif, à -0,145% le 10 juillet, tandis que celui allemand (le Bund) se traitait à -0,47%. « Les mesures prises par la Banque centrale européenne pour contrer la récession devraient empêcher tout rebond de ces taux sur le long terme », prévient Guillaume Prache, de la Faider. Enfin, la poche immobilière (6,4% en moyenne du fonds en euros) pourrait souffrir d’impayés de loyers, de la part des locataires des immeubles. « De mauvaises surprises ne sont pas à exclure », confirme Olivier Sentis.
Pour ne rien arranger, les assureurs confrontés à la crise devraient intensifier leur politique commerciale consistant à dissuader les épargnants de recourir au fonds en euros, par exemple en augmentant les frais d’entrée sur de tels supports. Des commissions « qui peuvent représenter l’équivalent du rendement de plusieurs années », comme le rappelait l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans un avis rendu à la mi-mars. Quand ils ne modifient leurs contrats, de sorte à pouvoir imputer quoi qu’il arrive leurs frais de gestion annuels sur le capital. « Ce qui peut aboutir dans certains cas à ce que le montant garanti par le contrat soit in fine inférieur au montant versé », déplorait encore l’ACPR.
On l’aura compris, pour qui veut obtenir du rendement, mieux vaudra se résoudre à diversifier la mise, et à retourner sur les marchés financiers. En y associant, cette fois, les options de protection développées par de plus en plus de contrats, comme le montre notre tableau ci-contre. Elles permettent de diminuer les effets d’un krach, à l’image de l’option de limitation des pertes (le « stop loss »), qui déclenche la vente de vos fonds à partir d’un seuil de moins-values déterminé à l’avance. Attention : préférez, quand c’est proposé, l’option « stop loss relatif », qui coupe vos positions en tenant compte de la plus haute valeur atteinte par l’épargne, au « stop loss absolu », déterminé à partir du seul cours d’achat. Ainsi, pour un fonds acheté 100 euros, et qui aurait grimpé à 150 euros, un stop loss relatif placé à – 20% vendra ce fonds dès que le cours aura reculé à 120 euros, contre un repli à 80 euros avec un stop loss absolu de même ampleur. D’autres options vous serviront à effectuer un retour en douceur sur les marchés boursiers. Comme celle d’ »investissement progressif », qui permet de transférer de 50 à 500 euros par mois du fonds en euros vers un ou plusieurs fonds risqués. En complément, programmez l’option « sécurisation des plus-values », qui à l’inverse rapatriera automatiquement vos gains vers le fonds en euros.
Crédits : Article de Capital